Référendum CGIL, pour le travail et une autre société

 

[Le plus grand syndicat d'Italie, la CGIL, a lancé une collecte de signatures en vue de modifier le code du travail. Plus précisément, il s'agit d'annuler la plupart des contre-réformes du travail mises en œuvre au cours des 15 dernières années (très similaires à la loi travail). Selon la Constitution italienne, les référendums ne peuvent être qu'abrogatifs (et non propositionnels) : ils ne peuvent exiger que l'annulation d'une loi ou d'une partie d'une loi. Pour ce faire, 500 000 signatures d'électeurs doivent être recueillies et la Cour constitutionnelle doit approuver le référendum. Pour les remporter, il faut que la moitié des électeurs votent et que le 50% des votants votent en faveur du référendum. NdT]

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Par Massimo Brancato 

Source : https://centroriformastato.it/referendum-cgil-per-il-lavoro-e-unaltra-societa/

14 juin 2024

Les questions promues par la CGIL portent sur la protection du travail, la sécurité, la dignité et la stabilité. Elles seront accompagnées de projets de loi d'initiative populaire et de renouvellements de contrats, dans une relation de plus en plus étroite avec les travailleurs pour souder leurs revendications à une vision d'une société différente. 

Nous sommes en train de récolter des signatures sur les quatre questions référendaires promues par la CGIL qui interviennent sur des aspects réglementaires fondamentaux du travail.

Le choix s'est porté sur des normes clés à travers lesquelles agir sur quatre aspects essentiels qui devraient caractériser toutes les formes de travail et qui ont profondément souffert ces dernières années en raison de choix politiques et réglementaires qui sont les filles d'un récit libéral exquis : la protection du travail, sa sécurité, sa dignité (également en tant que droit à un salaire équitable qui peut garantir le droit à "une existence libre et digne"), et sa stabilité.

La première question demande l'abrogation totale du décret législatif 23/2015, qui empêche la protection par réintégration de l'article 18 du Statut des travailleurs pour les personnes embauchées à durée indéterminée dans les entreprises de plus de 15 salariés, après le 7 mars 2015, en cas de licenciement déclaré illégal, en la remplaçant par une indemnisation monétaire. Il s'agit d'une règle qui a fait l'objet d'arrêts répétés de la Cour constitutionnelle, qui en a censuré divers aspects ; qui crée une inégalité de traitement injustifiée et insupportable fondée sur la date d'embauche ; qui affaiblit la position des travailleurs face aux employeurs dans le cadre d'une relation de pouvoir asymétrique par nature. Son approbation entraînerait le rétablissement de l'article 18 tel que reformulé par la loi 92/2012, qui prévoyait la réintégration en cas de licenciement sans motif valable et sans justification subjective ou objective.

La deuxième question s'adresse aux travailleurs des entreprises de moins de 16 salariés, qui ne bénéficient donc pas des protections prévues par l'article 18, et demande l'abrogation de l'article 8 de la loi 604/1966, modifiée par la loi 108/1990, pour supprimer le plafond de six mois de salaire en cas de licenciement illégal, confier au juge la détermination de la protection indemnitaire, parce que la taille de l'entreprise n'est pas en soi révélatrice de la force économique réelle de l'employeur et parce que cela conduirait à une plus grande dissuasion contre la voie des licenciements illégaux à un coût prédéterminé (pour l'employeur).

La troisième question demande l'abrogation des dispositions du décret législatif 81/2015 qui ont libéralisé l'utilisation des contrats à durée déterminée, en éliminant l'a-causalité pour ceux dont la durée ne dépasse pas douze mois, en réintroduisant la raison justificative temporaire pour la conclusion de tout contrat, en renvoyant aux conventions collectives la disposition qui va au-delà de la nécessité de la raison causale également pour les remplacements de travailleurs absents et pour les prolongations ou les renouvellements, et en abrogeant la disposition infâme de la lettre b) de l'article 19 paragraphe 1 du décret-loi 48/2023 qui oriente l'embauche à durée déterminée sur une voie incontrôlable, alors qu'elle prévoit également que les parties individuelles identifient les besoins du contrat à durée déterminée.

La quatrième question demande l'abrogation de la partie du paragraphe 4 de l'article 26 de la loi 81/2008 et des modifications ultérieures qui empêchent, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle dans les appels d'offre, la compensation des dommages différentiels entre ce que l'INAIL indemnise et ce qu'il peut reconnaître au travailleur pour couvrir les dommages supplémentaires subis, en étendant en tout état de cause la responsabilité civile de l'entrepreneur qui commande, contracte les travaux ou les services.

La décision de promouvoir les référendums abrogatifs a été prise dans le cadre d'une stratégie et d'une initiative syndicale plus large et à la suite de l'expérience contractuelle et confédérale de ces dernières années, qui nous dit combien la déstructuration normative et contractuelle du travail a généré, dans l'ensemble, sa dévalorisation sociale et politique, plus encore qu'économique, et a affaibli la dimension civique même de notre pays. Les questions référendaires s'accompagneront, en effet, à la fois de lois d'initiative populaire - qui constitueront la pars construens - en cours de définition, et d'une saison de renouvellements contractuels qualifiés par des plateformes qui s'emparent des questions posées par les référendums pour y répondre, dans la mesure du possible, contractuellement, dans un rapport de plus en plus étroit, en termes de représentation démocratique, avec les travailleurs concernés.

Tel est, en résumé, le sens profond de l'initiative prise par le plus grand syndicat d'Italie. En effet, si l'on jette un rapide coup d'œil sur la situation du travail dans notre pays, on ne peut qu'être d'accord avec Maurizio Landini lorsqu'il affirme qu'il faut se jeter à corps perdu au-dessus de l'obstacle et avoir le courage d'une initiative aussi radicale que déterminée à se tourner vers l'avenir des jeunes générations, condamnées sans appel à une condition de précarité permanente si des changements profonds n'interviennent pas.

Il ne faut pas se cacher les difficultés (et la CGIL ne le fait pas) d'un tel choix. On tentera de présenter cette initiative comme "hors du temps" (souvenez-vous des "jetons de téléphone" de la mémoire renzienne), d'en réduire l'écho, de l'enfermer dans une dimension minoritaire, de mettre en sourdine le débat public. Ils chercheront à l'emporter en faisant confiance au quorum et en invitant, par voie de conséquence, à déserter les urnes, exercice malheureusement moins compliqué aujourd'hui que l'expression d'une opposition sur le fond. C'est pourquoi il sera nécessaire de souder les aspects strictement syndicaux du contenu du référendum à une vision de la société différente, capable de parler aux besoins des jeunes générations et du pays tout entier, de proposer un changement possible de l'état des choses. Pour ce faire, il faudra élever le niveau de conscience générale de la nécessité de renverser le paradigme autour duquel s'est construit l'échafaudage des politiques du travail de ces dernières années, à partir de la moisson abondante d'arguments qui en révèlent l'absence de fondement, qui en démontrent l'injustice sociale et l'inefficacité économique.

Ces jours-ci, le gouvernement se vante de ses réalisations en matière d'emploi. On dit que l'emploi et le taux d'emploi augmentent. Mais on oublie de dire que le taux d'emploi reste le plus bas et le taux d'inactivité le plus élevé de l'Union européenne ; qu'un bloc très important de travail précaire consolidé dans le temps persiste ; que le phénomène du travail à temps partiel involontaire est le plus élevé de la zone euro et qu'il prend chez les jeunes et les femmes du sud des niveaux de structuration qui ne sont plus soutenables. C'est dans un tel contexte que l'on peut expliquer la croissance du travail pauvre, du nombre non plus marginal de ceux qui, tout en travaillant, sont pauvres. 

Tout cela remet en cause des aspects fondamentaux de notre système économique, de plus en plus victime de ce que Gianfranco Viesti appelle "le piège du développement intermédiaire" et de l'absence de politiques publiques qui le sortent de sa dimension de crise.

C'est à ce moment que se pose la question du travail comme enjeu économique, social et démocratique majeur et moderne. C'est là que réside l'ambition de la CGIL de rendre au travail sa dignité perdue, fondement de la République, comme une nécessité historique pour enrayer son déclin civil. Affirmer la démocratie constitutionnelle au sens plein du terme.

Nous serons vraisemblablement appelés à d'autres épreuves référendaires pour défendre le pays contre son démembrement annoncé et sa dérive autoritaire. Mener de front les batailles sociales et politico-institutionnelles devient une nécessité si nous n'entendons pas abandonner la lutte pour le changement et la construction d'un pays meilleur.

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