La Russie et la presse : le mandat d'arrêt contre les envoyés du RAI est une farce. À Gaza, cependant...
[La Russie a émis un mandat d'arrêt contre deux journalistes de la RAI, la télévision publique italienne, parce que les deux journalistes étaient avec des soldats ukrainiens lors de l'invasion de la région russe de Koursk. Ce mandat d'arrêt a fait grand bruit en Italie.]
8 octobre 2024
Il semble donc que Stefania Battistini et Stefano Traini, la journaliste et le caméraman de la RAI entrés en Russie le 6 août à la suite des troupes ukrainiennes engagées dans l'invasion de la région russe de Koursk, soient recherchés par les autorités russes, qui ont également demandé leur extradition. Le tribunal Leninsky de Koursk a en effet émis un mandat d'arrêt à leur encontre pour "franchissement illégal de la frontière". Et la même chose a été faite, selon la chronique, contre 14 autres journalistes étrangers coupables du même délit (qui, selon le code pénal russe, peut coûter jusqu'à cinq ans de prison), les derniers sur la liste étant deux Français.
S'il ne s'agissait pas d'une petite mais terriblement grave histoire dans une tragédie aussi horrible que la guerre entre la Russie et l'Ukraine, il y aurait de quoi rire. Comment un pays comme la Russie peut-il, au mépris d'une série de traités qu'il a lui-même signés et internationalement reconnus (au minimum, les accords de Belovezha de 1991 et le mémorandum de Budapest de 1994), envahir militairement un autre pays et se tenir à l'écart si, entre les avancées et les reculs, une poignée de journalistes franchit la frontière ? Je le répète : s'il n'y avait pas de guerre, cela ressemblerait à une plaisanterie.
"Une provocation inacceptable", a déclaré le syndicat des journalistes de la RAI. La position du ministre des affaires étrangères et vice-premier ministre, Antonio Tajani, a été encore plus ferme : "Le mandat d'arrêt russe contre deux journalistes de la RAI est une nouvelle forme de persécution contre la liberté de la presse. Le gouvernement italien défendra toujours le droit à une information indépendante". C'est tout à fait exact. Mais...
Mais le problème des déclarations basées sur des principes et des règles, c'est que les naïfs comme moi voudraient les voir appliquées dans toutes les situations. Inutile de vous rappeler que les correspondants de guerre russes se font souvent tuer. Dans la région de Koursk, par exemple, le journaliste Evgenyj Poddubny a été blessé lors de l'attaque de sa voiture par un drone ukrainien. Mais peu importe, nous avons décidé que les journalistes russes ne sont pas des journalistes, mais des propagandistes, alors laissons cela de côté.
Regardons donc ailleurs. Par exemple Gaza : selon l'ONU, 122 journalistes ont été tués en un an de guerre à Gaza. Et sur les 99 journalistes morts au front en 2023, précise le Comité de protection des journalistes (CPJ), pas moins de 72 ont été tués à Gaza. Tout cela alors que le gouvernement d'Israël nie la presse indépendante et même, comme dans le cas du bureau de correspondance d'Al Jazeera à Ramallah, qui a été fermé, tente par tous les moyens de la réduire au silence.
Nous n'avons pas entendu beaucoup de protestations à cet égard. Surtout dans le paysage médiatique terne qui nous entoure. Cela dit, cher Poutine, ne touchez pas à vos collègues de la RAI et à tous les autres collègues. Nous continuerons, ils continueront, à faire le bon travail. Que cela vous plaise ou, comme c'est probable, que cela vous déplaise.
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